Combler son retard dans la lutte contre la corruption en hissant ses dispositifs avec les meilleurs standards internationaux : tel était le défi ambitieux que s’était donné la France en lançant en 2016 la loi Sapin 2 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique. Considéré comme pionnier et disruptif à ses débuts, le texte a renforcé les dispositifs de la première loi (Sapin 1, 1993) avec huit piliers imposés aux acteurs privés et publics assujettis. Les autorités françaises ont innové en créant, entre autres, un cadre juridique pour les lanceurs d’alertes, un registre des représentants d’intérêts confié à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et l’Agence française anticorruption (AFA) entièrement dédiée à l’action de prévention et détection des faits de corruption et ayant un rôle de conseil, de contrôle et de sanctions auprès des acteurs privés et publics. Seulement voilà. La France occupe la 22e place du classement 2021 de Transparency International, qui souligne dix ans de stagnation de l’Hexagone dans la lutte contre la corruption dans le monde.
Ce bilan mitigé tient surtout au fait que l’ONG place son curseur sur des aspects d’ordre politique, citant un manque d’exemplarité en matière de démocratie et d’État de droit. Toutefois, les évaluations de la loi Sapin 2 menées en 2021 montrent tout le contraire. La mission d’évaluation parlementaire décrit le référentiel anticorruption français comme « une avancée remarquable qui permet de hisser la France au niveau des meilleurs standards internationaux », tandis que l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) reconnaît « l’avancée remarquable »qui a permis à la France de « regagner crédibilité et visibilité dans la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers ».
Des visites efficaces de l’AFA dans les banques
Sur le terrain, l’action de l’AFA porte ses fruits. Depuis octobre 2017, à fin 2021, elle a réalisé 159 contrôles et examens dont 108 ciblant des acteurs économiques et 51 des acteurs publics. L’agence observe en 2021 une adhésion croissante des acteurs économiques à la conformité et une nette propension de leur part à respecter les recommandations qui leur sont adressées, et ainsi à se mettre en conformité. Bref. Les manquements tendent à disparaître. Pour Laurine Berger de Data Legal Drive, cette dynamique montre queles acteurs ont déployé les moyens humains et financiers nécessaires pour détecter et prévenir la corruption. Le secteur bancaire, quant à lui, connaît de réelles avancées. Alors que Crédit Agricole a montré très tôt le chemin en étant la première banque française en 2017 à obtenir la certification ISO 37001, norme internationale de lutte anticorruption, Henry-Julien Vayssette de TNP Consultants souligne l’impact ces dernières années des missions de contrôle de l’AFA qui se traduisent par la mise en place par ses clients établissements bancaires de dispositifs structurés de lutte contre la corruption.
Des lacunes en matière de cartographie des risques
Pour autant, le dépôt en octobre 2021 de la proposition de loi Sapin 3 – actuellement en suspens – visant à renforcer la lutte contre la corruption indique qu’il reste encore des améliorations à apporter aux dispositifs en place. L’AFA, qui a mis à jour en 2021 ses recommandations à destination des acteurs économiques et publics, a observé à travers ses 34 contrôles effectués l’année dernière de nombreux manquements liés à la qualité de la cartographie et l’identification des risques, au dispositif d’évaluation des tiers ou aux contrôles comptables anticorruption. La cartographie des risques de corruption, qui constitue aux yeux de Romain Maillard et de Caroline Allouët de BM&A le pilier fondamental duquel découlent toutes les autres mesures de prévention, doit concentrer les efforts. Selon les deux experts, beaucoup d’organisations ne l’ont pas encore finalisée ou doivent la retravailler.
En attendant Sapin 3, l’AFA étend son action à d’autres secteurs. François Fleury du Groupe Matmutdétaille dans ce dossier les efforts de la société d’assurance mutuelle qui lui ont permis de se mettre en conformité avec les exigences de Sapin 2. n