Depuis des années, le secteur des paiements connaît une transformation profonde, alimentée par les approches novatrices des nouveaux acteurs, la consolidation du secteur et la demande des clients pour des expériences intégrées.
Aujourd’hui, l’adoption du digital est ancrée et semble être là pour rester : selon The 2022 Top Trends in Payments, le rapport de Capgemini, la croissance des paiements digitaux bouleverse l’éventail des instruments traditionnels.
La pandémie a fait déborder le vase et accéléré plus encore le changement. Son impact sur l’adoption du numérique est considérable. Les confinements, les restrictions et les préoccupations sanitaires ont bouleversé la vie quotidienne à tel point que les tendances se sont transformées en habitudes à long terme, ouvrant une autoroute au e-commerce et à la livraison à domicile. Tous les secteurs sont touchés, du repas de tous les jours à la santé et à la culture. Les paytechs et les nouveaux entrants dans le secteur ont très bien et très vite réagi, par de nouvelles approches commerciales offrant une expérience client sans faille, avec des paiements entièrement intégrés et transparents. À la clef, une intensification de la désintermédiation et de moindres résultats pour des acteurs traditionnels de prestations de services de paiement.
Une nouvelle ère des paiements
Aujourd’hui, nous entrons dans l’ère des paiements 4.X. Dans cet environnement, axé sur l’expérience, les paiements liés au mode de vie des clients deviennent invisibles. Pour les sociétés de paiement, la rentabilité est en passe d’être bouleversée, alors que les possibilités de générer des revenus à valeur ajoutée commencent à remplacer les frais de transaction.
Les consommateurs de tous âges, enthousiastes à l’égard du numérique, ont contribué à l’avènement de cette ère des paiements 4.X, en exigeant des paiements pratiques, intégrés à leur style de vie (voir infographie). Il en va de même pour les exigences croissantes du B2B2C en matière de confirmation instantanée, de réconciliations automatisées et de transactions transfrontalières simples et transparentes. Le changement est en cours dans des secteurs longtemps dominés par les espèces et les chèques.
Les acteurs qui s’efforcent de rester pertinents se préparent à naviguer efficacement dans l’ère des paiements 4.X :
– les banques et les sociétés de paiement doivent de toute urgence moderniser leurs systèmes, transformer la gamme des paiements et renforcer l’adoption des paiements digitaux ;
– les nouveaux acteurs consolident leur part de marché en ciblant de nouveaux segments de clientèle et d’opportunités de marché. Il n’est pas surprenant qu’ils explorent la collaboration à grande échelle.
L’atout des super apps
Le désir des consommateurs et des entreprises de vivre des expériences transparentes et sans friction est à l’origine de la vague de super applications, les super apps. Ces applications mobiles offrent divers services sans rapport entre eux, à travers une seule interface. Elles répondent aux besoins de la vie quotidienne et aux fonctions commerciales au-delà des paiements en une seule et même application. Le résultat ? Les paiements digitaux sont désormais omniprésents et invisibles, se concentrant sur une expérience de paiement de bout en bout, hyper personnalisée et riche en fonctionnalités.
En outre, le commerce électronique et le commerce mobile sont entrés dans les mœurs et sont devenus les moyens préférés des consommateurs pour effectuer leurs achats, avec des paiements digitaux comme solution unique de paiement. Les portemonnaies digitaux (digital wallets) représenteront plus de la moitié de tous les paiements de commerce électronique dans le monde d’ici 2024. Les modes de paiement traditionnels – tels que les cartes et les paiements en espèces – perdent rapidement des parts et pourraient représenter moins de 40 % des paiements du commerce électronique d’ici 2024.
Les clients B2B ont également pris en marche le train du numérique. L’analyse World Payments Report 2021 de Capgemini prévoit que les paiements interentreprises décollent enfin, avec une croissance moyenne annuelle de 10,2 % entre 2020 et 2025. La facturation électronique et la pénétration des paiements digitaux seront de forts leviers de croissance. L’automatisation des paiements est un impératif, car les paiements de nouvelle génération et les options de paiement direct au client dominent en 2022 et au-delà.
Alors que la crise sanitaire a catalysé un transfert irréversible vers le numérique, le secteur soutient un mélange d’instruments digitaux et les paiements de nouvelle génération. Selon l’analyse de Capgemini, les paiements instantanés et les paiements en monnaie électronique représenteront plus de 25 % des transactions monétaires mondiales d’ici 2025, contre 14,5 % en 2020.
Des méthodes de paiements new-look
Quelles sont ces méthodes de paiement de nouvelle génération ? Vous en avez beaucoup entendu parler ces derniers temps : acheter maintenant, payer plus tard (BNPL), paiements invisibles, biométriques et cryptomonnaies. Bien que ces méthodes émergentes soient encore naissantes (avec une utilisation inférieure à 20 % par les clients), les professionnels du secteur des paiements estiment qu’elles représentent un énorme potentiel inexploité.
L’adoption des paiements en temps réel aura un impact significatif sur le volume des paiements digitaux. Les cas d’utilisation à grande échelle sont encore embryonnaires et se concentrent principalement sur les paiements de pair à pair (P2P). Les consommateurs apprécient toutefois la rapidité du règlement en temps réel et les possibilités d’inclure ainsi les populations non ou sous-bancarisées. À travers les portemonnaies digitaux, les paiements en ligne vont progressivement cannibaliser les méthodes plus lentes et moins pratiques, telles que la carte.
Du côté des entreprises, les paiements instantanés offrent aux prestataires de services financiers la possibilité d’exploiter de nouvelles sources de revenus et de développer des services axés sur les données, tels que les transferts de liquidités instantanés pour les entreprises clientes. Les principaux acteurs de paytech s’appuient sur des modèles commerciaux de type « direct-to-customer » (D2C). Klarna, Affirm et Afterpay ont ajouté une couche D2C pour augmenter leur marché total adressable (TAM) ou se différencier. Shopify s’est associé à PayPal pour fournir des solutions de bout en bout, qui, en Inde, permettent aux entreprises D2C d’accepter sans problème les paiements transfrontaliers. Warby Parker, un détaillant D2C en ligne de lunettes de vue et de soleil basé à New York, offre à ses clients un financement BNPL grâce à son partenariat avec Affirm. Pour améliorer encore l’expérience de paiement, la marque d’optique devrait bientôt proposer des cartes de débit avec un accès direct à la fonctionnalité de paiement en temps réel.
Où est la clé de la nouvelle rentabilité ?
Perturbés par les nouveaux modèles économiques et les préférences croissantes des clients pour d’autres méthodes de paiement, les bénéfices des modèles de revenus traditionnels s’amenuisent. D’où la nécessité pour les entreprises de paiement de générer de nouvelles sources de revenus. Les professionnels du secteur des paiements s’attendent à ce que les méthodes conventionnelles, qui contribuent actuellement à 73 % des revenus, tombent à 45 % d’ici 2025, ouvrant de fait la voie à de nouveaux modèles et schémas de monétisation comme l’utilisation des API bancaires et le partage de données. Problème : la plupart des banques ne sont pas prêtes pour l’économie des API. Seuls 18 % des dirigeants de banques déclarent que leur entreprise est prête à tirer parti des opportunités de paiements 4.X, comme la monétisation des données sur les clients-transactions.
Cependant, une stratégie d’écosystème basée sur le partenariat pourrait être le secret de la réussite des banques. Les approches tournées vers l’avenir, telles que l’investissement continu dans la transformation technologique, la migration vers une infrastructure de paiement en temps réel et les initiatives de modernisation (notamment la norme ISO 20022), offrent des outils d’habilitation viables. Les paiements sont une fonction essentielle dans un environnement de services financiers collaboratifs. Pour gagner, les banques et les fournisseurs de services de paiement doivent adopter une approche axée sur les plateformes.
En outre, les coûts des paiements diminuent à mesure que la numérisation des données permet aux prestataires de services de paiement de mieux comprendre et servir les clients tout en gérant les risques. Les écosystèmes ouverts peuvent susciter des collaborations interfonctionnelles et intersectorielles dans les domaines suivants :
– l’agrégation des données ;
– la gestion des consentements ;
– la connaissance numérique du client (e-KYC) ;
– l’inclusion financière pour les personnes non bancarisées ou sous-bancarisées.
Dans un souci d’efficacité, les entreprises accueillent favorablement les initiatives régionales (par exemple, le système pan-nordique de paiements en temps réel P27) pour lutter contre les inefficacités opérationnelles, en particulier dans les paiements transfrontaliers. La création d’un échange de valeur gagnant-gagnant sera la proposition de vente de l’ère du paiement 4.X. En plus d’ajouter de la valeur et de se protéger contre la banalisation, les entreprises peuvent améliorer leurs capacités de mise sur le marché et industrialiser leurs innovations.
Le service plutôt que le produit
L’écosystème des paiements se transforme à un rythme sans précédent, les transactions numériques devenant de plus en plus populaires et des monnaies numériques privées émergeant, parfois sous l’impulsion des banques centrales locales. Les paytechs, qui ont commencé par des offres spécialisées sur des niches de population, étendent maintenant leur échelle et leur portée via des approches inorganiques.
Les banques ont gagné la confiance de leurs clients grâce à des années d’excellence dans leur domaine. Mais en ce début d’année, alors que nous entrons dans l’ère des paiements 4.X, les opérateurs historiques ont intérêt à concevoir avec soin des services, ou expériences, pratiques et contemporains – plutôt que des produits – afin de ravir les consommateurs et de leur proposer une qualité de service supérieure. La collaboration avec les paytechs sera un ingrédient essentiel à la réussite du système financier sans frontières, intégré, ouvert et inclusif de demain.