La Cop26 se tient jusqu’au 12 novembre prochain, en Écosse, à Glasgow. À l’heure où nous écrivons ces lignes, la présence de la Chine et de la Russie pose encore question. Viendra ou viendra pas ? Mais finalement, quelle importance ? Retour en arrière à la Cop21, le 12 décembre 2015, avec ces mots de Laurent Fabius, qui en était alors le président : « Je vois que la réaction est positive, je vois qu’il n’y a pas d’objection, l’Accord de Paris est accepté ! »
Six ans plus tard, il faut se rendre à cette évidence mathématique : le sujet s’est diffusé. En témoigne l’inflation des rapports, notamment de la part des autorités de régulation – ceux de la Banque centrale des Pays Bas en 2018, de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en 2020, de la Banque d’Angleterre et l’Autorité bancaire européenne en mai 2021, de la Banque Centrale Européenne en septembre 2021, de l’Autorité des marchés financiers et sa Commission Climat et finance durable en octobre 2021.
Quand la justice s’en mêle
Avis aux financiers, justement. Il ne semble pas – encore ? – y avoir de lien direct entre la production de rapports et les émissions de CO2, comme il existe un lien inversé entre le niveau des taux d’intérêt et le cours des obligations. Six ans après la Cop21, il faut se rendre à cette autre évidence mathématique : les engagements n’ont pas été tenus. Bien sûr, il y a eu le fantasque Donald Trump et beaucoup d’autres raisons. Mais cessons de rejeter la faute sur les autres. La France, elle aussi, est clairement hors des clous. Elle vient d’ailleurs d’être condamnée par le Tribunal administratif de Paris pour son inaction en matière climatique. De quoi démontrer à tous la montée en puissance d’un risque juridique, qui pourrait un beau jour changer les choses.
C’est dans cet environnement que nous avons voulu faire le point, avec des acteurs au profil varié. L’occasion de constater que tout le monde porte le discours, mais que l’accord, en pratique, est loin d’être acquis. Un point est partagé : le sujet du climat est l’affaire de tous, des financiers, des investisseurs, des clients, des ingénieurs, des commerciaux… Clémence Vorreux et Kelvin Frisquet, du think tank The Shift Project, considèrent que le sujet du climat ne doit pas être réservé aux ingénieurs et dénoncent la pauvreté des formations spécialisées, notamment à l’université. Le climat est l’affaire de tous, c’est aussi le sentiment d’Olivier Picard, de la Société Générale, établissement qui s’implique dans nombre de coalitions pour faire bouger les lignes avec gouvernements et industriels.
L’Agence Internationale de l’énergie tire la sonnette d’alarme
Fondateur de Mirova et premier président de Finance for Tomorrow, Philippe Zaouati nous rappelle à l’ordre : les entreprises sont très loin du scénario central de l’Agence internationale de l’énergie. En témoigne la poursuite de l’exploration pétrolière ou le développement insuffisant de la voiture électrique. Début d’un changement de paradigme, émerge la question de la finance à impact. Là encore, la place se lance dans un débat technique. Vincent Auriac dénonce les approches inefficaces de l’ESG au profit d’un score carbone. Les entreprises sont-elles capables de payer la facture de la nature ? Julie Evain, de l’I4CE, s’intéresse, elle, aux effets comparés du green supporting factor et du penalising factor pour le secteur bancaire. Olivier de Guerre, enfin, résume : impact « with » ou impact « for » ? Et s’il fallait, demain, arbitrer entre climat et rentabilité, quel serait votre choix ?
Pour l’heure, le climat se noie dans la technique. Sans nul doute, il finira par la politique, le jour où les décisionnaires décideront d’assumer leur rôle d’organisateur de la vie de la Cité. La BCE annonce un prochain test climatique, où elle analysera la capacité des banques à faire face, notamment, à un durcissement rapide des règles. Elle laisse présager le passage d’une politique du best of, favorable à l’accompagnement, à une politique plus exclusive et plus dure. En attendant, et c’est notre seule conviction, mais aussi une contribution aux puits de CO2, le sujet du climat va devenir pour les journalistes… un marronnier.