Des parlementaires ont sommé cette semaine les assureurs dommages à « participer à l’effort de guerre », tandis que la colère des restaurateurs continue de gronder. Au cœur de cette crise, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, et la Présidente de la FFA, Florence Lustman, se retrouvent obligés d’agir, mais à quel prix ?
Un ultimatum fixé au lundi 7 décembre
Le torchon brûle en cette fin d’année entre restaurateurs, assureurs et politiques. Alors que la réouverture des commerces non-essentiels s’est opérée le weekend dernier, les professionnels de l’HCR (Hôtellerie-café-restauration) se sentent laissés pour compte, car ils ne devraient pas pouvoir rouvrir leurs rideaux avant le 20 janvier. Un délai qui va encore alourdir leurs difficultés financières.
C’est pourquoi ils sont nombreux à demander un geste à leurs assureurs. Certains continuent de se battre sur le plan judiciaire pour obtenir l’indemnisation de leurs pertes d’exploitations, tandis que d’autres demandent un geste commercial ou un gel de leurs primes d’assurances.
Cette dernière demande a été appuyée cette semaine par le ministre de l’Economie et des finances, Bruno Le Maire, qui est même allé jusqu’à lancer un ultimatum aux assureurs : s’ils ne gèlent pas les primes des restaurateurs d’ici le lundi 7 septembre, il appellera à voter l’amendement du sénateur Jean-Paul Husson (LR), qui prévoit une taxe sur les assureurs dommages.
Panique à la Fédération française de l’assurance
Cette taxe exceptionnelle d’1,2 milliard d’euros pourrait ainsi s’apparenter à celle adoptée pour mettre à contribution les mutuelles santé en 2021 et 2022. Une escarmouche qui a déclenché un branle-bas de combat à la Fédération française de l’assurance (FFA), qui tente depuis le début de la crise de préserver l’image des assureurs dans l’opinion.
Au cœur de cette bataille rangée, la Présidente du syndicat, Florence Lustman, se retrouve ainsi dans une position particulièrement inconfortable, entre les deux fronts. D’un côté elle se fait l’écho des difficultés des assureurs à indemniser les conséquences du Covid-19, de l’autre elle assure aussi le service après-vente d’une future assurance pandémie sans cesse repoussée, et pilotée aux côtés de… Bruno Le Maire.
De plus, la Fédération n’a a priori pas les moyens de résoudre cette crise dans de si brefs délais. Ses statuts l’empêchent en effet d’imposer des mesures collectives, comme un gel des tarifs, aux assureurs qu’elle représente. Des discussions seraient en cours, au cas par cas, pour le recommander malgré tout aux plus gros acteurs.
Mais une autre difficulté technique s’ajoute à l’imbroglio. Dans les faits, les avis d’échéance pour l’année prochaine ont déjà été envoyés, et une partie des tarifs déjà validés. La réactualisation de contrats déjà signés s’annonce particulièrement acrobatique d’ici le 1er janvier.
Le gel des tarifs a déjà été annoncé par certains assureurs
Heureusement, la FFA pourra faire valoir que certains assureurs ont déjà pris les devants. La plus grande partie des membres de l’Associations des assureurs mutualistes (AAM) pratiqueront bien le gel des tarifs l’année prochaine. De même que la Matmut, pour ses 167 000 contrats destinés aux professionnels, y compris propriétaires de cafés, hôtels et restaurants. Chose promise également du côté de Generali France.
Mais du côté des politiques, ces gestes à la marge demeurent insuffisants. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la fronde anti-assureurs doit beaucoup à deux anciens agents d’assurances : le sénateur (LR) Jean-François Husson, et le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui a appelé ses anciens confrères à « participer à l’effort de guerre ».
Cette semaine, une tribune publiée à l’initiative de la députée de la Sarthe (apparentée Modem) Pascale Fontenel-Personne, a également attisé le feu qui menaçait les barils de poudres. On peut notamment y lire : « En ces périodes répétées de confinement de l’activité économique, en cette période de crise sanitaire impactant sévèrement nos acteurs économiques, les assureurs ne peuvent déserter les efforts d’une Nation unie, engagée et solidaire ».
Un geste des assureurs à craindre ou à espérer ?
Dénonçant pêle-mêle les avenants envoyés aux professionnels pour supprimer les clauses relatives aux épidémies, et les hausses tarifaires constatées sur certains contrats multirisques, cette tribune, signée par 45 députés LREM et Modem, est venue ajouter à la pression mise sur Bruno Le Maire.
Le ministre de l’Economie et des Finances se retrouve dans une situation tout aussi désagréable que celle de Florence Lustman. Il risque de perdre une partie de sa majorité s’il ne durcit pas le ton face aux assureurs, mais il n’est pas parvenu non plus à mettre sur pied assez rapidement une assurance pandémie publique/privée, qui, même si elle ne s’était pas appliquée à la crise actuelle, aurait pu apaiser le secteur en montrant une voie.
Acculés de part et d’autre, Bruno Le Maire et Florence Lustman pourraient bien obtenir les gels des tarifs demandés d’ici la semaine prochaine, mais à quel prix ? Comme on le craint pour les mutuelles santé, taxer les assureurs revient souvent à taxer à retardement les assurés, sur lesquels se répercute le manque à gagner. Puis, après cette bataille remportée par le secteur de l’HCR, les autres nombreuses professions en difficulté pourraient, elles aussi, légitimement demander un gel de leurs tarifs, qu’il sera alors compliqué de leur refuser.