L’âge de la maturité serait-il venu pour les assurtech, y compris en France ? On l’avait d’abord cru l’année dernière, au terme d’une année particulièrement faste au niveau mondial, surtout du côté des levées de fonds. Au quatrième trimestre 2019, les assurtech ont levé près de deux milliards d’euros, et 5,75 milliards d’euros sur l’année entière.
2020 a calmé l’euphorie de 2019
La crise sanitaire et économique que nous connaissons est ensuite venue calmer l’euphorie. Les levés de fonds au premier trimestre 2020 ont subi un contrecoup de 36,8%, par rapport à la même période un an plus tôt. Par la suite, les jeunes pousses se sont montrées résilientes, avec 2,2 milliards de levées cumulées au premier semestre 2020, soit à peine moins qu’en 2019 (2,43 milliarfs d’euros).
Si la tempête a été moins rude qu’annoncée, c’est que la période du confinement, puis les restrictions de déplacements, ont orienté plus naturellement les assurés vers ces plateformes aux services entièrement numériques, le plus souvent accessibles directement depuis un smartphone.
Un contexte qui favorise aussi les innovations des assurtech
Une simplicité et une sécurité d’utilisation particulièrement à l’ordre du jour, au point de faire craindre à certains que le Covid-19 éloignent durablement les assurés des assureurs traditionnels. En guise d’exemple, on pense d’abord naturellement à l’assurtech française Alan, créée en 2016, mais qui semble se trouver au bon endroit au bon moment.
La startup se montre en effet innovante sur un marché qui, à la vue du contexte actuel, s’annonce profitable sur la durée : celui de l’assurance santé. Avec une offre de mutuelle à gérer directement depuis son smartphone, un avenir radieux semble déjà tout tracé pour l’entreprise hexagonale.
Alan est donc, sans surprise, au cœur de la belle dynamique des assurtech françaises en cette année 2020 pourtant si particulière. Le cabinet Klein Blue Rating l’a bien montré, dans la quatrième édition de son panorama des jeunes pousses tricolores de l’assurance. En effet, sur les 92 millions d’euros levés au 15 septembre 2020, 50 millions étaient destinés à Allan.
Le secteur créé plus de startups qu’il n’en détruit
Une autre levée d’ampleur a permis l’obtention de ce bon résultat : les 15,7 millions d’euros investis dans Descartes Underwriting, startup francilienne qui modélise les risques climatiques pour le compte d’assureurs et de grandes entreprises. Il y a 18 mois, l’assurtech avait bouclé sa première levée de fonds avec 2 millions d’euros récoltés. Incubée par l’Agence spatiale européenne, et déjà en accord avec la NASA, elle pourrait aussi devenir une assurtech française de référence.
Mais de son étude, le cabinet Klein Blue Rating tire aussi des conclusions sur le secteur dans son ensemble. Tout d’abord celle d’un secteur effectivement arrivé à maturité, puisque le nombre de création de startups (35) dépasse pour la première fois celui des disparues (25), entre septembre 2019 et septembre 2020.
Un manque d’innovation produit qui profitent aux assureurs historiques
Cependant, au sein de ces finetech, l’innovation porte surtout sur le service aux autres entreprises, et très peu sur l’innovation produit. Très concrètement, nos assurtech sont rares à proposer de nouveaux services d’assurance aux particuliers, mais sont bien plus enclines à mettre à disposition leurs technologies à des sociétés déjà installées, y compris des assureurs traditionnels.
Pour ne pas être distancées par rapport aux nouvelles assurances digitales, les assureurs historiques n’hésitent en effet pas à s’allier avec les nouveaux arrivants. Très récemment, Generali France a renforcé ses liens avec l’assurtech française Advize, pour digitaliser ses services clients liés à ses produits d’assurances vie.
En bonne place mais en retard sur le marché européen
Pour résumer, le secteur des assurtech françaises a donc plutôt bien résisté aux différentes crises de l’année 2020. Les créations et destructions d’entreprises tendent à se stabiliser, mais l’ensemble manque d’acteurs capables de tirer le marché vers le haut avec des innovations produits à destination des assurés. La dépendance au secteur des assureurs traditionnels demeure donc nécessairement forte.
Au regard de nos voisins européens, la France reste une place forte de l’innovation assurantielle, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni. Néanmoins, en 2019, les assurtech d’outre-Rhin avaient levé presque trois fois plus que nos pépites.