Au Royaume-Uni, la FCA a porté devant un Tribunal, au travers d’un « test case » impliquant huit assureurs, la question du remboursement des pertes d’exploitations dans le contexte de la Covid-19 ; la décision rendue le 15 septembre étant positive pour de nombreux assurés, faut-il penser pour autant qu’elle est mauvaise pour les assureurs ?
Le jugement intervenu le 15 septembre au Royaume-Uni est perçu comme gagnant-gagnant par certains, côté assureurs comme côté assurés. Il apporte davantage de clarté dans le débat qui opposait assurés et assureurs au sujet du remboursement des pertes d’exploitations en cas de pandémie. Pour ce qui concerne l’impact sur les compagnies, nous observons que les montants de pertes annoncés par les compagnies ne sont pas assez importants pour entamer le capital d’un assureur. Enfin, rien n’exclut que certaines compagnies ou certains assurés fassent appel.
Cette décision de justice implique-t-elle que les réassureurs devront payer eux aussi ?
Dans un contrat de réassurance proportionnelle il est prévu que le réassureur soit mis à contribution dès lors que la responsabilité de l’assureur est engagée. Pour les contrats de ce type, la décision de justice du 15 septembre va indirectement impacter les réassureurs. Mais dans le cas de la réassurance non-proportionnelle, la situation est moins claire : la façon dont est rédigé le contrat de réassurance peut permettre au réassureur de dégager sa responsabilité.
En France, plusieurs assurés affrontent leur assureur devant les tribunaux au sujet des pertes d’exploitation dues à la pandémie de Covid 19 ; plusieurs décisions de justice donnent raison aux assurés [2] mais est-ce toujours le cas ?
À ce stade, la situation n’est pas claire car des décisions vont dans le sens des assurés et d’autres dans celui des assureurs [3]. De plus, nombre de ces décisions feront l’objet d’appels. Nous nous attendons à un long bras de fer juridique – qui donnera parfois lieu à des transactions – mais, quelle que soit son issue, nous pensons que la question des pertes d’exploitation n’entraînera pas de grande difficulté pour les assureurs que nous notons en France. Selon une étude de l’ACPR, la part des contrats laissant place à l’interprétation est très faible et l’immense majorité des contrats exclut clairement le risque de perte d’exploitation en cas de pandémie.
Que ce soit en France ou au Royaume-Uni, quels sont les points forts des compagnies qui vont leur permettre de digérer les coûts liés à l’indemnisation des pertes d’exploitation ?
L’indemnisation des pertes d’exploitation n’a pas un impact concentré sur une compagnie ; au contraire, les pertes seront assez bien dispersées parmi les compagnies qui chacune ont des activités très diversifiées parmi lesquelles l’assurance des entreprises représente des volumes plus ou moins significatifs et la pandémie a eu des effets positifs dans certains domaines, comme celui de l’assurance automobile étant donné que la sinistralité a baissé pendant le confinement. De plus les compagnies ont commencé depuis le début de la crise sanitaire à constituer des réserves en raison de l’incertitude juridique liée aux pertes d’exploitation.
Certes, certaines compagnies sont plus exposées que d’autres mais à ce jour, la pandémie ne nous a pas conduits à abaisser la note d’un assureur. Toutefois, la crise n’est pas terminée et nous restons vigilants.
Les assureurs ou les réassureurs qui refusent de rembourser les pertes d’exploitation ne donnent-ils pas une mauvaise image de la profession ? Covéa semble plus conciliant…
Les désaccords entre assurés et assureurs peuvent nuire à l’image des assureurs et doivent donc être gérés avec prudence. Toutefois, un assureur ou un réassureur est dans son rôle, si le risque de pandémie n’est pas compris dans un contrat, de refuser sa prise en charge. La sécurité juridique du contrat est essentielle car le montant de la prime – qui doit demeurer raisonnable – est fixé en fonction du risque couvert. Il en va de la santé économique de l’assureur ou du réassureur. Cela n’a toutefois pas empêché certaines compagnies en France d’aller au-delà de ce que prévoyaient les contrats en matière de couverture des pertes d’exploitation en cas de pandémie.