L’encadrement des loyers a été réintroduit en juillet 2019 par la Ville de Paris afin d’éviter que les prix de location n’explosent dans la capitale. Toutefois, l’association de consommateurs CLCV (Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie) a dénoncé des abus et contournements de la part des bailleurs.
L’encadrement des loyers pour limiter les hausses des prix
Pour endiguer la hausse démentielle des loyers en intra-muros, Julien Denormandie et Jacqueline Gourault avaient signé un décret permettant aux villes le souhaitant de plafonner les loyers. « L’encadrement est un plafonnement du niveau des loyers à un loyer de référence majoré publié par le Préfet », précisait la directrice de l’Observatoire des Loyers de l’Agglomération Parisienne (OLAP) Geneviève Prandi à Assurland.
Mais comment sont définis ces loyers de référence ? « Selon la méthodologie définie dans les prescriptions méthodologiques nationales du réseau des observatoires des loyers, ils sont définis à partir de données individuelles observées et calculées par zone (14 à Paris), nombre de pièces et époque de construction, en distinguant meublé et non meublé », ajoute la directrice de l’OLAP.
Un flou juridique utilisé par les bailleurs pour contourner l’encadrement des loyers
Malgré tout, de nombreux bailleurs ont trouvé un moyen de contourner cette mesure. En effet, il existe un flou juridique autour du dispositif légal. La loi indique que, dans certains cas, un bailleur peut fixer un complément de loyer. Interrogé par le Parisien, le chargé du logement privé à la CLCV David Rodrigues déplore une notion de « complément de loyer » trop large, peu claire et permettant aux propriétaires d’augmenter leurs prix.
Il faut bien dire que les interprétations permises par le terme « complément de loyer » sont nombreuses et potentiellement abusives. Pour pouvoir justifier d’un tel complément, un logement doit présenter des caractéristiques de localisation ou de confort « exceptionnelles », non prises en compte dans le calcul du loyer de référence.
« On voit très clairement que les bailleurs utilisent ce flou pour contourner l’encadrement des loyers, affirme David Rodrigues. Ils voient l’occasion de gonfler leur loyer de base pour atteindre le même loyer qu’ils pratiquaient avant la loi. Le balcon, le métro à proximité, les travaux… cela ne justifie pas le dépassement des loyers plafonnés. La terrasse, la maison… Ça peut le justifier. »
Il ajoute également que « le complément de loyer ne concernait qu’une partie très faible des biens sur le marché, le haut de gamme ». À savoir qu’en plus, le Conseil constitutionnel avait supprimé (« censuré ») en 2014 la notion « d’exceptionnel », rendant le dispositif encore plus flou. Et le chargé du logement privé à la CLCV n’attend pas pour autant un éclaircissement législatif. Il explique que, d’une part, « une réponse ministérielle a déjà précisé qu’il n’y en aurait pas » et que, d’autre part, « après la censure en 2014 du Conseil constitutionnel, cela pourrait être risqué ».
Une mesure pourtant fonctionnelle à Paris
Ce qui est certain, c’est que cette mesure restait fonctionnelle dans la capitale. « L’encadrement des loyers à Paris n’a absolument pas produit les effets terribles que certains avaient prédit, a affirmé à Assurland Henry Buzy Cazaux, président de l’IMSI (Institut du Management des Services Immobiliers). Les investisseurs ne se sont pas enfuis parce que ce mécanisme a seulement permis de ramener à la raison de l’ordre de 25% des loyers. Ces loyers étaient excessifs et le fait de propriétaires gérant directement leur bien. En effet, l’encadrement des loyers n’est pas déconnecté du marché puisqu’il se fonde sur son observation et sur le calcul de valeurs médianes. Il a aussi eu le mérite de calmer les ardeurs a priori et d’apaiser les augmentations. En clair, je ne suis pas de ceux qui considèrent qu’il soit inutile ou nocif à Paris. »
Aussi, de nombreux candidats à la mairie de Paris pour les élections municipales de 2020 désirent maintenir l’encadrement des loyers : Anne Hidalgo, Danielle Simonnet, Agnès Buzyn… David Belliard va même plus loin et propose un blocage des loyers.