La (re)nationalisation des autoroutes est un sujet très épineux qui divise depuis des années en France. Le débat est nimbé de tensions et questions obscures. On parle de sommes parfois astronomiques, d’abus, de tarifications perçues comme injustes par les Français voire même de « scandale des autoroutes », dixit dans les colonnes de Libération Boris Vallaud, un député du Parti Socialiste (PS). Et il semblerait que le gouvernement se penche finalement à cette question : le Sénat a ouvert une commission d’enquête pour réfléchir à ce sujet.
Pourquoi parle-t-on de nationalisation des autoroutes françaises ?
Un peu d’histoire : la France a commencé à développer son réseau autoroutier à la fin des années 1920. Mais c’est durant les Trente Glorieuses qu’elle a développé son gigantesque réseau autoroutier, qui s’étend désormais sur plus de 11 000 kilomètres. Nous disposons d’un réseau de premier ordre, garantissant un niveau de sécurité cinq fois supérieur aux autres réseaux routiers. C’est l’un des meilleurs, voire le meilleur réseau européen. Mais une donnée vient entacher ce tableau quasi idéal : notre réseau est cher, très cher.
Il faut dire que chaque année au 1er février, la tarification des péages augmente de façon systématique. Les Gilets Jaunes n’ont d’ailleurs pas été indifférents à ces hausses : ils ont bloqué de nombreux péages pour manifester contre ces augmentations jugées injustes. Mais pourquoi paie-t-on si cher ? Nous en venons donc à la question qui fâche.
Sont mises en cause les diverses privatisations qui ont eu lieu au cours de l’histoire de ces autoroutes. On en a compté plusieurs : la privatisation partielle des autoroutes du sud de la France sous le gouvernement Jospin, des autoroutes Paris-Rhin-Rhône et de la société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France sous le gouvernement Raffarin et… les privatisations totales du gouvernement Villepin en 2006. Ce sont bien ces dernières qui ont laissé un goût amer dans la bouche de nombreux Français.
Pourquoi les autoroutes ont-elles été privatisées ?
Le motif était simple : renflouer les caisses de l’État et rapporter des fonds pour financer de nouveaux projets. À ce moment, le gain du gouvernement est d’environ 15 milliards d’euros. Toutefois, quelques « détails » chiffonnent. Les contrats passés entre l’État et divers acteurs privés (Vinci, Eiffage, Abertis) permettent à ces derniers d’augmenter les prix des péages de façon annuelle au dessus de l’inflation.
Très vite, les critiques fusent en direction du gouvernement : « l’État a accepté de compenser par des hausses de tarifs un grand nombre d’investissements de faible ampleur, dont l’utilité pour l’usager n’était pas toujours avérée », analyse par exemple la Cour des comptes dans un rapport de 2013. « La rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires d’autoroutes historiques est assimilable à une rente, qui doit être davantage régulée en faveur de l’État et des usagers », allègue encore l’Autorité de la concurrence en 2014. L’opinion publique et les automobilistes français sont également très remontés contre les termes et conditions de ces contrats. Et d’après les données de Caradisiac, les actionnaires des groupes privés gérant les autoroutes françaises auraient récolté quelques 2,8 milliards d’euros rien qu’en 2018, plus du double de leurs investissements, en clair.
Le Sénat a ouvert une commission d’enquête
Ainsi, le Sénat a ouvert une commission d’enquête composée de 21 membres. Ils devront se pencher sur « le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières ». À la fin de l’enquête, c’est-à-dire dans six mois, un bilan de la gestion privatisée devrait émerger et répondrait à la question suivante : faut-il conserver le statut actuel ou renationaliser le réseau autoroutier français ? À savoir que le Sénat ne se positionne pas dans le débat et chercherait plutôt une solution alternative tout en mettant fin au statu quo.
Cette enquête mandatée par le Sénat porte sur trois axes de réflexion :
- la négociation des concessions ;
- l’équilibre économique (i.e. la durée des contrats et la tarification des péages) ;
- les travaux et l’entretien réalisés sur les voies.
Combien coûterait la renationalisation des autoroutes ?
Certes, il est difficile de parler de nationalisation sans mentionner son coût potentiel. Et c’est là encore un sujet qui divise. Hervé Maurey, sénateur de centre suggérait une somme de 20 milliards d’euros dans une interview au Parisien le 1er février 2019. Pour certains experts, la facture s’élèverait à plus du double de cette somme…
Toujours est-il qu’en l’état actuel des choses, les termes des contrats passés par Dominique de Villepin s’échelonnent de 2031 à 2036.