Depuis dix ans et l’émergence de M-Pesa au Kenya, l’Afrique est le continent du mobile money : selon le GSMA, l’association mondiale des opérateurs téléphoniques [1], un compte sur deux est africain. Historiquement, l’Afrique de l’Est a porté cette croissance et l’innovation qui l’a accompagnée : aujourd’hui, un Kenyan utilise son mobile certes pour acheter du crédit téléphonique, envoyer de l’argent et payer ses factures, mais de plus en plus pour régler un achat en magasin, épargner et même emprunter. Mais au-delà de ce pays à part dans le paysage de la finance digitale, d’autres zones du continent connaissent une croissance soutenue. Ainsi, toujours selon le GSMA, la part de marché en nombre de comptes ouverts se rééquilibre : quand en 2012, l’Afrique de l’Ouest ne pesait que 17 % du total africain, contre 76 % pour l’Afrique de l’Est, ces chiffres sont passés à 31 % et 56 % en 2017. L’Afrique centrale a par ailleurs connu la croissance la plus forte du continent entre 2016 et 2017, tant en nombre de comptes qu’en volume de transactions.
Avec près 50 millions de comptes de mobile money et plus de 200 000 agents pour assurer sa conversion en cash dans l’UEMOA [2] et la CEMAC [3], l’Afrique subsaharienne francophone n’est pas en reste. La Côte d’Ivoire, premier marché d’Orange Money, pèse lourd dans ce paysage. Plus petit, le marché sénégalais est aussi plus diversifié quant au type d’offres qui s’y développe. Société Générale y lance une offre de crédit digital, l’institution de microfinance Microcred y teste de nouveaux modes de distribution, l’AssurTech Bima y promeut depuis 2014 une solution de microassurance sur mobile et les FinTechs comblent les vides laissés par les acteurs du paiement. Revue Banque est allée sur le terrain, dans les régions de Dakar et de Saint-Louis, à la rencontre de ces projets et de leurs bénéficiaires.
La mission de ces services financiers digitaux est immense : bancariser les deux tiers de la population africaine encore exclus des services formels. Les régulateurs cherchent la bonne recette pour accompagner l’innovation dans le domaine : si l’Afrique francophone de l’ouest ou du centre mise sur le statut d’établissement de monnaie électronique, le Maghreb s’oriente pour sa part vers celui d’établissement de paiement, plus proche du modèle bancaire mais adapté aux exigences du digital. En outre, l’inclusion financière de la population ne pourra se faire qu’en regardant au-delà des zones urbaines et en ciblant aussi les populations les plus fragiles. Pour elles, le business model des offres financières sur mobile est plus difficile à trouver, mais pas impossible. Pour peu qu’on utilise l’innovation technologique avec perspicacité et à bon escient.