Assureurs et fonds de pension ont traditionnellement joué des rôles bien distincts. Celui des assureurs était de mutualiser les risques individuels au travers de produits tels que les contrats d’assurance vie, d’assurance santé ou les rentes viagères. Le rôle d’institutions telles que la sécurité sociale, les caisses de retraite ou les fonds de pension à prestation définie est de lisser les risques systématiques agrégés via un partage des risques intergénérationnels. Avec le déclin de ces systèmes de retraite dans le monde, et le transfert progressif des fonds de pension à prestations définies vers ceux à cotisation définies, les assureurs vie jouent un rôle de plus en plus important pour assurer les risques de marché via des produits à rendement garanti. Mais ces derniers sont difficiles à valoriser et à couvrir, et les portefeuilles de couverture imparfaits créent un risque de déséquilibre entre l’actif et le passif, qui peut venir stresser le capital réglementaire lorsque la valorisation des passifs augmente par rapport à celle de l’actif, notamment pendant les périodes de baisse des taux ou de recul du marché actions.
Aux États-Unis par exemple, les assureurs vie vendent des produits financiers appelés rentes variables qui sont structurés sous la forme d’un placement dans un fonds d’investissement, assorti d’une garantie de rendement minimum sur un horizon long. Ces rentes variables représentent environ 30 % du passif des assureurs vie américains [1]. En Europe, les produits garantis représentent également une part significative du passif des assureurs en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas et en Suède. Dans ces pays, la duration du passif excède de 5 à 10 ans celle de l’actif, ce qui implique des pertes significatives si les taux restent bas et une pression sur les taux si ces acteurs cherchent à réduire le gap de duration. La situation des assureurs se trouve donc à certains égards assez proche de celle des fonds de pension il y a quelques années, qui ont connu des problèmes de sous-financement persistant. La plupart des compagnies d’assurance étant cotées, elles sont soumises à l’exigence de rentabilité de leurs actionnaires, ce qui pourrait exacerber ces difficultés. Enfin, ces risques peuvent se transmettre au reste du système financier via les banques, qui sont des contreparties importantes pour le transfert de certains risques.