Réglementation, ANI, réforme des contrats responsables, futurs contrats seniors, risques sur les régimes de prévoyance, désintermédiation, digital… Longue est la liste de nouveaux enjeux pour le monde de l’assurance de personnes, plongé dans une certaine incertitude.
Quel nouveau modèle économique développer, alors que les marges en santé se réduisent ? Prévoyance, nouveaux services, focus client, digitalisation des process… Autant d’enjeux développés et débattus par les présidents directeurs généraux de Covéa, Thierry Derez, et de Generali France, Eric Lombard.
(Photos : Claire Latour)
Depuis plusieurs mois, les assureurs sont «confrontés à une avalanche de réglementation très déstabilisante», explique Thierry Derez. Et le président-directeur général de Covéa d’annoncer : «Si un candidat proposait de ne rien faire pendant 5 ans, il aurait ma voix».
Avant cela, l’article 21 bis du projet de loi Sapin 2 prévoit d’autoriser le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) de suspendre les retraits des épargnants détenteurs de contrats d’assurance vie pour une durée maximale de 3 mois, renouvelable, en cas de risque systémique. «On ne nous a pas demandé notre avis sur cette disposition ! C’est une décision du gouvernement qui intervient à un moment où il n’y a aucun risque», s’étonne Eric Lombard, le PDG de Generali France estimant en outre que «les taux bas sont une difficulté supplémentaire à prendre en compte».
«Jusqu’à présent, nous étions rémunérés de deux façons : les marges techniques et le produit des placements, explicite Eric Lombard. Mais en raison de la baisse des taux d’intérêt, cette dernière source se tarit, alors que les marges techniques n’augmentent plus». Mais trouve une raison d’espérer, au moins outre-Atlantique : «La Fed dit clairement qu’elle augmentera les taux après la présidentielle américaine».
Dans ce cas-là, comment préserver leur rentabilité ? «Il faut miser sur la qualité et les services proposés», répond le PDG de Generali France. Jouer sur le seul facteur tarifaire, pour retrouver de la marge, n’est en tout cas pas envisagé. «Il n’y a pas de déclaration de guerre pour que les tarifs soient cassés», confirme Thierry Derez.
Le contexte des taux bas impacte aussi les fonds en euros des contrats d’assurance vie, tant et si bien que Generali a décidé de réduire la collecte de ces contrats. «La gestion de cet actif dégage des produits financiers que nous devons reverser à hauteur de 85 % au minimum à nos assurés. Autant dire que le fonds en euros est devenu un produit de luxe que nous distribuons désormais de façon très mesurée à nos bons clients», explique Eric Lombard. Pour 2015, Generali a annoncé des taux de rendement compris entre 2,35% et 3,20%, selon les réseaux de distribution.
«Il faut rester calme», assure de son côté Thierry Derez qui ne manque pas d’épingler les libertés prises par les pouvoirs publics pour fixer le taux de rémunération du Livret A, mais également de rappeler la possible «mutualisation dans le temps» des rendements. Covéa a aussi freiné la collecte euros qui devrait être «nulle ou négative» cette année, mais pas question pour son PDG de se lancer dans une promotion à tout va des unités de compte au regard d’une «clientèle modeste».
Eric Lombard, sur l’innovation produit en assurances de personnes, est revenu sur le lancement, en partie critiqué, du programme Generali Vitality.
«Peut-on encore innover sur les produits ? Ma réponse est oui ! Generali vient de lancer le programme Vitality, une vraie nouveauté sur le marché de l’assurance santé. Ce type de services permet d’obtenir une plus forte stabilité du portefeuille et donc une meilleure rentabilité. Si Vitality a été contesté, c’est aussi en raison d’un réflexe très politique en France : quand un assureur propose quelque chose de nouveau, il y aurait forcément un loup… En réalité, la Sécurité sociale et les institutions publiques trouvent cette idée intéressante… et se demandent pourquoi ils ne l’ont pas eue eux-mêmes.»
La relation client, au coeur des préoccupations des assureurs ? Le changement de paradigme, récent, semble en tout cas bien acté. «80% des sinistres sont aujourd’hui intégralement réglés par téléphone» relate Thierry Derez. Un changement profond pour des services de gestion de sinistres, où la culture implicite était de «ne surtout pas avoir de contact avec les sociétaires». Et Eric Lombard d’annoncer la couleur : «Nous visons une qualité de service à la Apple : si nous ne le faisons pas, un disrupteur le fera à notre place».
Si Generali n’est pas friand d’alliances ou de rapprochements, Covéa est au contraire actif dans ce domaine (Unéopôle, adhésion d’Apgis et SMI, etc.), rappelle Thierry Derez. «Chez Covéa, chaque acteur doit être moteur du rapprochement : sinon, notre groupe n’est pas demandeur», prévient-il toutefois. «Covéa n’est pas une auberge espagnole !»
Propos recueillis par Gwendal PERRIN et Nicolas THOUET