A l’aube de la révolution numérique, notre modèle de protection sociale saura-t-il protéger efficacement au XXIème siècle ? Une question au cœur des discussions du Rendez-vous organisé par l’institution de prévoyance Klesia le 24 mars sur l’économie collaborative et la protection sociale.
Réalisé par Viavoice pour Klesia, un observatoire montre que plus des trois-quarts des Français estiment l’intérêt général insuffisamment pris en compte dans notre société. Avec 70 %, la volonté de s’impliquer sur ce plan est davantage marquée chez les 18-24 ans que dans l’ensemble de la population (58 %) alors que cette génération est souvent présentée comme moins impliquée vis-à-vis de la sphère collective. Les plus jeunes sont aussi plus nombreux (46 % vs. 32 %) à considérer que les partenaires sociaux se préoccupent de l’intérêt général.
Laurent Joffrin, directeur du quotidien Libération, voit dans ces résultats une confusion entre « individualisme et égoïsme », à cause de tensions entre les droits de chacun et le projet collectif, et une certaine défiance envers ceux chargés de les représenter. Le directeur général de Klesia, Christian Schmidt de La Brélie, perçoit l’intérêt général comme un « trait d’union entre l’individu et le collectif dont la mission de la protection sociale en est la plus parfaite traduction ». Pour Pascal Pavageau, secrétaire confédéral de Force ouvrière, « le gouvernement utilise les nouvelles formes de l’économie collaborative comme un prétexte afin d’aller vers une individualisation des droits ». A l’inverse, « il faut repenser les 650 Md€ dépensés chaque année en France dans la protection sociale en vue de l’adapter au mieux aux travailleurs indépendants », estime Thibault Lanxade, vice-président en charge des TPE-PME au Medef.
Un rapport sur l’économie collaborative, dont les activités contribuent à l’expansion des indépendants et auto-entrepreneurs, a été remis au Premier ministre par Pascal Terrasse en février. Entre autres, le député de l’Ardèche y propose de faire converger la protection sociale des indépendants et des salariés. Pour accompagner l’évolution de notre société du consumérisme vers l’économie du partage, « à l’instar du compte personnel d’activité qui permet de délier droits et statuts, il faut favoriser la portabilité et standardiser les ruptures et les référencements », préconise-t-il. En France, les 1,6 M d’auto-entrepreneurs acquittent 3,5 Md€ de cotisations sociales pour un chiffre d’affaires total de 11 Md€. « L’économie collaborative fait apparaître de nouveaux risques et des opportunités pour les assureurs, a observé Frédéric Lavenir, directeur général de CNP Assurances. De nouvelles formes de mutualités sont susceptibles d’émerger et de venir tamponner le modèle économique actuel de l’assurance ». Afin d’anticiper ce mouvement, la protection sociale doit aller vers une personnalisation et une gestion unifiée des droits. Soit un changement de paradigme pour les acteurs de la protection sociale et les assureurs.