En cas de litige injustifié avec le RSI ou l’Urssaf, un indépendant peut emprunter deux voies pour contester: l’amiable et la contentieuse. Deux opportunités qui, dans un cas comme dans l’autre, ne lui apporteront aucun dédommagement pour le préjudice subi.
Depuis 5 voire 6 ans, il n’est pas rare pour les entrepreneurs de rencontrer quelques problèmes hasardeux avec le RSI ou l’URSSAF, les garants de leur protection sociale. Des ennuis qui peuvent autant concerner les cotisations à percevoir, que les affiliations ou encore les prestations servies au titre de la maladie, de la maternité ou de la vieillesse.
Les plus grands litiges portent toutefois sur des sommes revendiquées par le RSI, jugées incompréhensibles et illogiques pour les indépendants. “Le nerf de la guerre c’est l’argent. Nous sommes un pays en faillite, il faut faire rentrer de l’argent dans les caisses” commente Abdelrak Lasmari, avocat au Barreau de Paris, spécialisé dans le droit de la Sécurité sociale. Des litiges qui peuvent prendre des proportions alarmantes, provoquant parfois le déclin financier et entrepreneurial de certains indépendants.
Schéma type d’un problème avec le RSI
Voici le parcours classique d’une procédure litigieuse avec le RSI en raison d’un appel à cotisations erroné.
Première phase, des sms ou des emails titrés “relance amiable de recouvrement” sont envoyés par l’organisme social. Des relances téléphoniques succèdent ensuite.
Seconde phase, une mise en demeure est notifiée et laisse un délai d’un mois à l’indépendant pour s’acquitter des sommes réclamées ou les contester. En dépit du fait que l’entrepreneur décide de réfuter, ce qui devrait logiquement stopper la procédure, le RSI peut poursuivre les démarches entamées.
Troisième phase, la contrainte, signifiée par un huissier de justice, qui offre à l’indépendant un délai de 15 jours pour émettre une opposition motivée. Sans respect de ce délai de deux semaines, elle devient définitive et acquière la force d’un jugement. “Un organisme de Sécurité sociale peut faire en sorte que vous soit délivré, sans passer par un tribunal, un acte qui a la valeur d’un jugement” explique Me Lasmari.
Régler le problème par soi-même
Appels et courriers recommandés
Lorsqu’un indépendant rencontre un problème avec le RSI, il essaie tout d’abord de gérer le problème seul. De rentrer en contact avec l’organisme social afin de décrypter de quoi il retourne. De multiples appels sont alors passés afin de joindre des opérateurs du RSI et démystifier ensemble les tenants et aboutissants de la situation, souvent énigmatique pour l’entrepreneur.
Dans le meilleur des cas, les agents parviennent à mettre le doigt sur le cœur du problème et le résolve en quelques minutes. Dans le pire, il renvoie le demandant de service en service, ne lui offrant aucune explication concrète. Ce dernier se retrouve alors dans l’obligation de procéder par voie postale, en envoyant de multiples recommandés avec accusé de réception à sa caisse d’affiliation. Des courriers qui restent souvent lettres mortes, laissant la situation s’empirer et se désagréger.
Le service de médiation du RSI
Le RSI s’est doté, il y a peu, d’un service de médiation composé généralement d’un médiateur et d’un conciliateur par région. Tout affilié peut y avoir recours. “Après avoir vérifié que l’affaire relève bien de leur compétence, ils procèdent à un examen au fond. Si la demande est justifiée, ils engagent une négociation pour trouver une solution amiable au litige” écrit le RSI sur son site internet.
“Le XXIème siècle est peut-être à l’ère de la médiation, de la conciliation, mais avec le RSI ça ne marche pas et ça ne marchera jamais” explique, fataliste, Me Abdelrak Lasmari. Selon ce spécialiste du droit de la Sécurité sociale, ses clients ayant déjà eu affaire au service de médiation du RSI en sont ressortis insatisfaits et toujours enlisés dans leur situation litigieuse.
Porter l’affaire devant les tribunaux
Après avoir traversé les voies amiables qui s’offraient à lui, un indépendant peut décider de porter l’affaire devant les tribunaux afin de faire valoir son droit à la contestation.
1ère étape : La Commission de recours amiable (voie pré-contentieuse)
Pour pouvoir amorcer tout processus juridique, la CRA du RSI, Commission de recours amiable, est la première étape obligatoire. Un jalon dit pré-contentieux. Cette juridiction administrative doit être saisie dans un délai de deux mois, après que l’entrepreneur ait reçu sa mise en demeure. En revanche, si le litige concerne plus spécifiquement l’Urssaf, ce délai est ramené à 1 mois.
La CRA dispose d’1 mois pour émettre sa décision, auquel cas la demande sera considérée automatiquement rejetée.
2ème étape : Le TASS, Tribunal des Affaires de Sécurité sociale (voie contentieuse)
Une fois le cap franchi de la CRA, l’indépendant aboutit enfin devant les tribunaux, et plus spécifiquement de le TASS, le Tribunal des Affaires de Sécurité sociale. “Le TASS est présidé par un magistrat professionnel assisté d’un assesseur représentant des travailleurs indépendants. Il peut ordonner un complément d’instruction ou une expertise judiciaire. Il ne statue qu’après s’être efforcé d’avoir fait concilier les parties (art. R 142-21 CSS).
La compétence territoriale est définie par les articles R. 142-12 et R. 142-18 CSS (en général en fonction du domicile du demandeur)” explique l’avocate Perrine Athon-Perez, sur village-justice.com.
A noter que seul le TASS est considéré compétent, selon la Loi, pour juger une contestation à l’encontre d’une décision d’un organisme social (RSI, RSI, Régime général…). La représentation par avocat n’est pas obligatoire. Le TASS est une juridiction devant laquelle la procédure est gratuite et sans frais, pensée par les fondateurs de la Sécurité sociale pour que chacun puisse se défendre seul.
Est-il conseillé de se faire représenter par un avocat ?
Le rôle de l’avocat face au RSI
Le droit de la Sécurité sociale est particulièrement complexe, illisible, alambiqué et technique. “Il fait même fuir les juristes” plaisante Me Lasmari. Choisir de se défendre seul devant le TASS peut donc nuire aux chances de réussites du travailleur indépendant qui intente le procès.
“Il est important de se faire représenter. Les travailleurs indépendants qui rencontrent des litiges avec le RSI n’ont pas de conseil. A la différence de l’Urssaf qui dispense, à peu près, une certaine information à destination des cotisants. Le RSI, lui, n’en a rien à faire”. Se faire assister et représenter par un avocat est donc essentiel pour ne laisser la situation s’enliser et arriver au point de non retour où la machine sera lancée sans pouvoir l’arrêter. “Le RSI s’appelle le Régime Social des Indépendants. Mais lorsque l’on n’est pas aidé par un professionnel, que les mises en demeure, les contraintes et les huissiers se succèdent, ça devient le Régime Social Infernal” ironise Me Lasmari.
Combien coute un avocat pour se défendre contre le RSI ou l’Urssaf ?
“C’est difficile de donner une fourchette. Cela dépend. Le coût n’est pas le même que le litige porte sur un montant de 5.000 euros ou 500.000 euros. A titre d’exemple, un avocat pour traiter un dossier avec 15.000 euros en jeu va prendre 3.000 euros de rémunération hors taxes”. Une somme tout de même importante, difficile à débloquer pour de nombreux indépendants, mais Me Lasmari rappelle que “l’avocat va juguler l’hémorragie financière” afin que l’entrepreneur “ne tombe pas dans cette spirale infernale” qui après les mises en demeure et contraintes peut aboutir à la saisie sur compte bancaire et liquidation d’une entreprise.
Résolution du litige
Quelles sont les chances de succès devant le TASS ?
“Certaines affaires sont particulièrement complexes. Même moi, avocat spécialiste en droit de la Sécurité sociale que je suis, parfois je n’y comprends rien. Il en est de même pour le magistrat du TASS et le représentant du RSI. Donc si c’est incompréhensible pour tout le monde, ce n’est pas opposable. La plupart du temps, les litiges se résolvent sur la compréhension du droit exorbitant du droit commun, c’est à dire sur la mise en demeure ou sur la contrainte”. Dit plus simplement, une affaire se dénoue auprès du TASS en vérifiant si la procédure contentieuse enclenchée par le RSI est valide, légitime, ou non.
Une victoire contre le RSI offre-t-elle indemnisation ?
“Le Fisc, à côté, c’est un enfant de chœur. La Sécurité sociale (incluant donc le RSI. ndlr) c’est 30% du PIB. Ils n’ont que faire de l’indemnisation d’un travailleur indépendant. Ils sont là pour vous indemniser quand vous tombez malade car vous cotisez pour ça. Si il vous ruine, que leur comportement aboutit à ce que votre maison soit saisie, que toute cette escalade de problèmes engendre des conséquences sur votre vie privée, ils n’en ont strictement rien à faire. Au mieux, vous obtiendrez, lorsqu’ils sont considérés de mauvaise foi, les intérêts au taux légal. Vous n’aurez aucune indemnisation pour le reste, c’est pour ça qu’il faut intervenir en amont, en stoppant le problème dès qu’il se pose et éviter qu’il se renouvelle” conclut Me Abdelrak Lasmari.
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