Les banques gardent la mainmise sur les emprunteurs

Depuis 2010, les emprunteurs ont la possibilité de souscrire l’assurance de leur crédit auprès de l’organisme qu’ils souhaitent, banque ou compagnie d’assurance. Mais la réalité est toute autre. Les Français ont-ils réellement le choix ?

Lors de son passage en 2010, la Loi Lagarde avait pour vocation d’ouvrir à davantage de concurrence l’assurance des crédits, offrant ainsi à l’emprunteur une plus large liberté de choix. Revers de la médaille, c’est le phénomène inverse qui s’est produit. Le marché se révèle aujourd’hui essentiellement unilatéral, occupé à 89% par les banques. La délégation ne trouve pas sa place, enrayée par les organismes bancaires qui redoublent de stratégies pour conserver leur emprise sur les clients.

Contradictions

Réglementé par le Code de la consommation et le Code des assurances, le marché de l’assurance crédit est régulé par un cadre fort. “Paradoxalement, les niveaux de marges sont extrêmement significatifs. Des sénateurs l’ont rappelé lors d’une récente audition, ils peuvent atteindre jusqu’à 50%”, indique Vivien Guette, chargé d’étude au sein du cabinet de conseil en assurances BAO. C’est justement ces plus-values conséquentes que la Loi Lagarde cherchait à endiguer. Et pourtant, en fournissant aux banques le soin de valider le recours à la délégation d’assurance, elle leur a offert les pleins pouvoirs.

Des garanties pourtant identiques, voire meilleures

Ainsi, pour qu’un emprunteur puisse choisir un contrat extérieur, proposé par une compagnie d’assurance ou un courtier, la banque dans laquelle le prêt est souscrit doit fournir son accord. Un aval donné sous une seule et unique condition : que les garanties offertes par ce fameux contrat “alternatif” soient équivalentes à celles de l’assurance de la banque. Or, tel que le souligne le cabinet BAO, “la loi n’a pas précisé le mode d’évaluation de l’équivalence du niveau de garanties, imposant une pesée globale entre les acteurs”. “La Loi Lagarde a conduit les banques à justifier les refus pour cause aléatoire de non équivalence des garanties”, rajoute Hervé Brasseur, Gérant du courtier grossiste Assuréa.

Pourtant, s’il y a bien un aspect que la Loi Lagarde a modifié, c’est bien la qualité des garanties des contrats alternatifs. “Les contrats individuels étaient moins couvrants par le passé. Ils se sont armés avec le passage de la Loi Lagarde et ont même inventé des garanties originales pour faire la différence”, souligne Christophe Boiché, Directeur du pôle assurance chez Meilleur Taux. Désireux d’intégrer un marché dont ils restent exclus, les compagnies d’assurance et les courtiers se sont évertués à conceptualiser des produits de plus en plus compétitifs, à la fois innovants et économiques. “Il résulte aujourd’hui de véritables écarts entre les garanties. Notamment sur la partie incapacité/invalidité qui est soit indemnitaire chez les assureurs, soit forfaitaire chez les banques”, explique Vivien Guette, chargé d’étude dans le Cabinet BAO.

Ainsi les assureurs proposent-ils lors de l’absence de revenus liée à une incapacité, un remboursement indemnitaire, équivalent au montant réel de la perte. Les banques offrent, elles, un remboursement sur la base d’un forfait, soit une somme fixe.

Quand les banques redoublent d’ingéniosité

Céder quelques parts d’un marché qui offrent des marges de 50%, il ne fallait pas que la concurrence s’attende à ce que les banques se laissent faire sans ciller. “L’assurance emprunteur est un enjeu commercial important pour les banques en terme de rémunération. Elles mettent tout le poids qu’elles y peuvent mais attention, dans les limites bien sur de la légalité”, tempère Christophe Boiché de Meilleurstaux. Les banques ont développé leurs arguments et nourri leur ingéniosité en proposant aux emprunteurs, désireux de sortir des rangs, des contrats dits défensifs. “Les banques s’arc-boutent dans tous les sens pour conserver leur manne sur les emprunteurs. Elles sortent des contrats de toutes leurs poches. En somme les dés sont pipés”, ironise Hervé Brasseur.

Des contrats défensifs sur-mesure et à prix cassés dont les garanties perdent toutefois en qualité. “Elles refusent nos contrats pour manque de garanties qualitatives et proposent pire, le comble !”, s’exclame le gérant d’Assuréa. Peu informés et désemparés devant la lecture trop technique des contrats, les emprunteurs ne perçoivent pas qu’ils sacrifient pour quelques centaines d’euros des garanties qui auraient pu se révéler essentielles.

Les Français ont-ils finalement le choix ?

Mieux informés, 2/3 des Français se déclarent aujourd’hui conscients de pouvoir choisir leur assurance crédit en dehors du giron bancaire. “Le problème étant que lorsqu’ils arrivent dans une agence, on leur donne la sensation de ne pas disposer de ce choix. Comme si un parent apprenait à son enfant que la terre tourne autour du soleil, et qu’à l’école son professeur lui assurait le contraire”, déclare Vivien Guette du Cabinet BAO. “Il y a un véritable déséquilibre entre l’offre et la demande”, théorise de son côté Christophe Boiché. Les emprunteurs préfèrent accorder leur confiance à leur organisme prêteur, quand en bout de ligne le seul déblocage des fonds est important pour réaliser leurs projets. “L’assurance est trop accessoire face au prêt pour que les emprunteurs réfléchissent vraiment dessus”, précise Hervé Brasseur d’Assuréa.

Un avenir incertain

“Pour que les choses changent enfin, il faudrait que les banques ne soient pas détentrices de la validation finale. Qu’une assurance emprunteur puisse être souscrite de façon indépendante comme une assurance auto ou habitation”, remarque Hervé Brasseur, Gérant d’Assuréa. Christophe Boiché, Directeur du pôle assurance chez Meilleur Taux, entrevoit, lui, en la réforme bancaire à venir de futures possibilités d’ouverture. Des discussions se construisent à l’heure actuelle sur un rappel plus légal, notifié par écrit notamment, de la liberté du client ou encore sur des délais précis à appliquer par les banques dans leurs manifestations de refus. Une réforme à suivre…


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