Réforme retardée, calendrier flou, imprécisions des piliers, période de transition, les organismes sont dans l’attente avec le vote déprogrammé à courant 2013 d’Omnibus, et l’application de la directive reportée à 2015-2016.
Les assureurs, mutuelles et IP avaient jusqu’alors bien avancé sur la réforme Solvabilité II, imaginant une application pour 2014. L’année 2012 aura marqué un net fléchissement des espoirs de respect du calendrier, en raisons des interminables discussions, qui n’ont toujours pas abouti, sur Omnibus 2. Programmé en juin, puis en juillet, l’accord sur la directive préalable à la mise en place de la réforme ne sera vraisemblablement pas atteint avant la fin d’année 2013, repoussant encore la mise en place de la réforme et sa transposition.
Pour les acteurs et les fédérations, pas question pourtant de s’arrêter dans les efforts. Le Gema avait par exemple prévu de faire un test qu’il avait appelé QIS 6, en référence au dernier test d’impact, à l’époque, réalisé sur les chiffres 2009. « Nous nous étions dotés d’outil commun pour préparer ce QIS 6. Nous voulions nous appuyer sur le nouveau calibrage donné par la Commission européenne » explique Yanick Bonnet, en charge du projet Solvabilité II au Géma. « Mais comme il n’y avait pas de QIS officiel de prévu, personne ne pouvait la tester. Nos membres ne trouvaient pas ça acceptable et ont demandé qu’on se dote d’outils communs pour la tester ».
Problème, le test du LTGA est arrivé entre temps et a mobilisé les équipes de façon plus officielle. Hormis cette initiative, les reports successifs qui ont émaillé l’année 2012 laissent une tendance au ralentissement de l’avancement des projets Solvabilité II dans le secteur. « Les incertitudes risquent de bloquer les investissements et les développements sur Solvabilité II. Les organismes vont réduire le volume de travail sur la réforme. S’il n’y a pas un lancement clair et net, il y aura un stop and go sur les investissements Solva II. Il faut que les parlementaires et les pouvoirs politiques décoincent un peu le sujet » pour Yanick Bonnet.
« D’un point de vue managérial, il faut terminer ce qui a été commencé. On ne peut pas renvoyer les équipes à d’autres occupations et les remobiliser dans un an ou deux. J’irai jusqu’à dire qu’il faut préparer les reportings, car je suis très circonspect sur une tentation de surenchère avec les superviseurs » ajoute de son côté Aymeric Oudin, qui s’occupe de Solvabilité II à la MACSF.
La tentation du « parallel run »
« Les superviseurs ne vont pas attendre qu’il y ait une règle pour commencer à imposer des choses » continue Aymeric Oudin, « il y a un vrai risque que les superviseurs demandent de faire des mises en place par morceaux ».
Le risque est bien compris par l’ACP. « Il y a un risque de démobilisation car l’année 2012 a été compliquée pour les organismes. Nous avons souhaité fixer un calendrier clair car nous avons bien senti qu’il y a avait un risque de démobilisation, un vrai risque de dire ‘wait and see’. Nous avons voulu poser des jalons clairs avec le marché français pour permettre à chacun d’organiser son programme de travail avec en tête un calendrier partagé » détaille Romain Paserot, directeur des contrôles spécialisés et transversaux, chef de projet Solvabilité II à l’ACP. Le premier jalon 2013 sera de demander à l’ensemble du marché de faire une collecte d’informations de base Solvabilité II qui permettront à l’ACP de faire le point.
« Deuxième jalon 2014, nous allons passer à une collecte XBRL, car il y avait un vrai risque que les projets informatiques s’arrêtent. Notre portail XBRL sera prêt et nous proposerons à tout le marché de tester le portail puis de faire une collecte portant sur certains reportings de base comme mesure préparatoire » explique Romain Paserot.
L’ACP voudrait également se pencher sur l’Orsa en 2014. « Le message est simple : profitons du décalage pour avoir deux années que nous allons pouvoir consacrer à un dialogue, une préparation sur la base d’éléments concrets » ajoute Romain Paserot. Cette volonté de l’ACP a également pour but de relancer la préparation et de ne pas donner la possibilité aux organismes de mettre certains projets en dormance. Mais chez les assureurs, il semble compliqué de maintenir la même pression, avec une date repoussée de près de deux ans.
Une application en plusieurs étapes sera un choix du régulateur mais pas des superviseurs. Mais sous couvert de dynamiques de préparation, certaines demandent pourraient en effet apparaître comme une mise en place progressive de certains mécanismes, avant même que la réforme ne soit officiellement votée.