La croissance de l’encours de crédits aux sociétés non financières, déjà élevée en 2015 (4,2 % sur un an en décembre) s’est renforcée en 2016 (5 % en décembre) et début 2017 (5,4 % en mars-avril). Les crédits de trésorerie freinent légèrement sur les derniers mois (6,4 % sur un an en avril contre 7,7 % fin 2016). En revanche, les crédits à l’investissement accélèrent (5,4 % sur un an en avril contre 4,4 % fin 2016), en liaison notamment avec la fin, en avril, du dispositif fiscal de suramortissement. Le flux de nouveaux crédits accordés aux sociétés (en cumul douze mois) est également en hausse soutenue (16,2 % sur un an en mars 2018, après 11,7 % fin 2016).
Dans les enquêtes Banque de France, la demande de crédit reste jugée bien orientée. Elle s’accroît sur les derniers mois, mais de façon assez modérée, tirée par les dépenses d’investissement et surtout les opérations de fusions acquisitions.
La progression du financement de marché des sociétés non financières, plus volatile que celle du crédit, a été très soutenue ces derniers mois, avec des rythmes record de 11 % sur un an en mars et 9,4 % en avril (après 7,5 % fin 2016 et 4,5 % fin 2015). Le niveau de mars tient en partie à des effets de base, mais depuis mi-2016 la croissance des titres de marché est redevenue clairement supérieure à celle du crédit. Les coûts de financement sur les marchés sont extrêmement bas, compris entre 0,6 % et 0,9 % depuis mi-2016. Les coûts du crédit sont plus élevés, compris entre 1,4 % et 1,7 %. Les entreprises ont fortement accru leurs émissions de titres, compte tenu de ces taux très bas, d’une forte demande des investisseurs et du risque de remontée des taux longs.
Vers une lente réduction des besoins de financement
Ces évolutions marquées du crédit et des titres s’expliquent en bonne partie par le niveau élevé du besoin de financement des sociétés (différence entre les profits non distribués et les dépenses d’investissement et de stocks).
L’investissement des sociétés a accéléré en 2016 (+3,9 % en volume) du fait d’une série de facteurs favorables : hausse assez nette du taux de marge et des profits, amortissement exceptionnel de 40 %, remontée du taux d’utilisation des capacités de production, taux d’intérêt très bas. Il progresserait d’environ 4 % en volume cette année et en 2018. Le mouvement de reconstitution des stocks a été marqué en 2016, mais un peu moins qu’en 2015. La croissance des dépenses des sociétés (en investissement et stocks) a ainsi atteint 3,2 % en valeur en 2016 (après 5,6 % en 2015). Elle serait proche de 4 % par an en 2017-2018.
Les profits s’améliorent, croissent plus vite que les dépenses en investissement et stocks, mais pas suffisamment pour réduire nettement le besoin de financement. Leur hausse s’explique par la montée en charge des mesures de soutien mises en place (CICE, allégements d’impôts et de charges prévus dans le Pacte de responsabilité, amortissement exceptionnel) et le très bas niveau des taux d’intérêt. Les profits non distribués ont ainsi progressé de 4,5 % en valeur en 2016 (après 13,9 % en 2015) et s’accroîtraient de 6 % par an en 2017 et 2018, avec les nouvelles mesures prévues d’allégement de l’impôt sur les sociétés.
Ainsi, le besoin de financement des sociétés non financières se réduit lentement. Il atteignait 57 milliards d’euros en 2014, a diminué à 46 milliards en 2015 (chiffre nettement révisé à la hausse par l’INSEE, et estimé auparavant à 36 milliards), et 45 en 2016. Il serait proche de 40 milliards par an en 2017-2018.
En 2015, le recours net à la dette (crédit et titres de marché) a atteint 59 milliards, à comparer avec un besoin de financement de 46 milliards. En 2016, on note toutefois un recours net à la dette de 84 milliards, nettement supérieur au besoin de financement, soit 45 milliards. Comme évoqué plus haut, les entreprises, notamment les grandes, ont fortement accru leurs émissions pour bénéficier de taux très bas. Cette tendance s’est maintenue début 2017. Elle pourrait s’infléchir sur les prochains trimestres, avec la lente remontée des taux longs.
Les arbitrages redeviendraient ainsi un peu plus favorables aux crédits. L’encours de titres de dette des sociétés non financières freinerait peu à peu et la croissance de l’encours de crédit aux sociétés se maintiendrait sur des rythmes relativement élevés en 2017 et 2018, proches de ceux de 2016.