Nouvelle cible marketing des compagnies d’assurance, les petites entreprises sont encore loin de la situation idéale. Entre hausse des primes, difficulté de s’assurer et concurrence avec les grandes industries et leurs couvertures sur-mesure, les TPE/PME doivent survivre dans un environnement économique compliqué.
“Il y a 10 ans, aucune compagnie d’assurance n’aurait mis un centime sur la table pour de la « comm. » à destination des artisans ou des commerçants !!”, s’exclame un assureur de la place qui préfère garder l’anonymat. Pourtant, aujourd’hui les choses ont bien changé. Les « pros » sont devenus la nouvelle cible convoitée par les assureurs. A grand coups de campagnes de communication, ces derniers veulent séduire le menuisier du coin, la boulangère du village ou encore le patron de la petite manufacture d’en face.
“Pour nous, les « pros » au sens large (artisans, commerçants, entreprises, mais aussi la clientèle agricole) représentent vraiment un plan de développement fort. Cependant, la concurrence sur le sujet est importante et beaucoup d’autres compagnies se positionnent aussi sur ce créneau”, explique Philippe Kuntzmann, responsable de l’offre entreprise chez Aviva France.
Alors, simple effet de mode ou nouveau relai de croissance pour relancer une activité de plus en plus compliquée ? Si les compagnies d’assurances mettent aujourd’hui le paquet sur les entreprises de taille modestes, ces dernières éprouvent encore des difficultés en terme de couverture et d’indemnisation.
Tarifs serrés
En 2012, 14 millions de sinistres ont été enregistrés en France, dont 1,2 million concernant les dommages aux biens professionnels et agricoles, selon la FFSA (Fédération française des sociétés d’assurances). Coût total des dégâts pour les assureurs, 35Mds d’euros (soit une hausse de 4% par rapport à 2011).
Toujours selon la FFSA, les assureurs ont engendré l’année dernière 20,2Mds d’euros de cotisations d’assurance de biens et de responsabilité pour les professionnels, soit une hausse de 3,5% par rapport à 2011.
Malgré une concurrence féroce entre compagnies, censée faire baisser les tarifs, le coût des primes s’est tendu depuis une dizaine d’années. En cause, plusieurs évènements climatiques majeurs (dont la tempête qui a touché la France en 1999 ainsi que Xynthia et les inondations du Var) ou encore le cas de l’usine AZF qui ont poussé les compagnies a durcir le marché pour redresser leurs résultats.
“On peut estimer que les tarifs ont augmenté d’environ 15% ces 5 dernières années, mais le paradoxe c’est que les chefs d’entreprises souscrivent d’avantage de garanties pour être couverts correctement”, glisse le responsable d’une importante mutuelles d’assurance qui cible actuellement les TPE/PME.
Pourtant, rien n’a finalement changé dans le mode de calcul des primes d’assurance pour les entreprises. “Le premier critère de tarification va être l’activité (plus ou moins dangereuse ou aggravante), ensuite la taille de l’entreprise (soit à travers la valeur des outils de travail, soit à travers la valeur des bâtiments, du matériel ou des marchandises), puis le chiffre d’affaire ou la marge brute. Le tarif va donc se calculer en fonction de ces différentes assiettes d’appréciation, en sachant également que le niveau de protection et de prévention mis en place par l’entreprise va jouer “, ajoute Philippe Kuntzmann.
Une offre encore trop sélective
Même si l’offre d’assurance pour les entreprises s’ouvre aux plus grand nombre, des divergences persistent suivant la taille des sociétés à couvrir et les risques mis en jeu.
“Les entreprises qui exercent des métiers techniques et dangereux éprouvent plus de difficultés à trouver des assurances qui acceptent de les couvrir”, explique Guy Giquello, président de la FTPE (Fédération des très petites entreprises). “Les professionnels qui travaillent dans le domaine du nucléaire, du transport de gaz ou encore les « tuyauteurs » sont parfois obligés de se couvrir auprès d’assureurs étrangers”, déplore ce dernier.
Autre problème, de nouveaux phénomènes sont apparus depuis quelques années, comme le vol de matières premières, touchant de plein fouet certains petites entreprises directement concernées.
“Pour le sujet du cuivre, effectivement on va regarder comment est équipé notre client face au risque de vol et en fonction on lui demandera si besoin d’améliorer sa couverture et/ou limiter notre garantie ou augmenter les franchises selon le cas de figure, parfois à l’extrême, refuser la garantie”, raconte Philippe Kuntzmann. “Le cuivre intéresse aujourd’hui des voleurs et si l’on estime que les protections sont insuffisantes on peut envisager à l’extrême de ne pas couvrir ce risque. Finalement, nous sommes souvent dans l’adaptation face aux phénomènes conjoncturels de ce type”.
Des disparités entre distribution et suivi de l’entreprise
Encore trop souvent, le marché de l’assurance entreprise se scinde en deux segments : les grands comptes (entreprises de plus de 50M d’euros de capitaux) et le segment des PME.
Les entreprises de grande tailles bénéficient quasi-systématiquement d’interlocuteurs dédiés au sein de leur compagnie d’assurance et de suivis très réguliers en ce qui concerne leurs contrats et les risques à couvrir. Un procédé beaucoup plus rare chez les entreprises de taille modeste.
“Les accès à l’assurance entreprise passent principalement par nos agents généraux qui vont proposer nos services à ce type de clientèle professionnelle et aider le client à trouver un couverture adaptée à ses besoins. Ensuite, en fonction de la taille du risque, nous avons des offres plus ou moins « packagées » ou automatisées”, explique-t-on chez Aviva.
“Afin que le chef d’entreprise puisse pleinement se consacrer au développement de son activité, l’agent ou son courtier partenaire endosse le rôle de conseil en « risk-management» et se positionne comme analyste des risques d’une entreprise quelle que soit sa taille. Nos agents et courtiers disposent aujourd’hui d’une palette d’outils pour identifier ces risques”, ajoute-t-on chez MMA.
En définitive, si les petites entreprises deviennent la nouvelle priorité des compagnies d’assurance, elles ne bénéficient toujours pas de tous les moyens dont disposent les plus grosses entreprises pour être bien protégées. Les artisans, commerçants, TPE/PME ne jouissent toujours pas d’un suivi personnalisé, sans parler d’une tarification toujours tirée vers le haut et de nouvelles exigences de sécurité et de prévention qui les pénalisent. Pourtant, dans un marché des l’assurance des particuliers saturé, elles pourraient bien tirer leur épingle du jeu, mais il va falloir encore attendre quelques années.