136 milliards d’euros. C’est le montant prêté à près de 670 000 entreprises par les banques françaises depuis plus d’un an via le Prêt garanti par l’État (PGE) créé dans l’urgence, quand le pays plongeait dans la crise sanitaire et le premier confinement en mars 2020. Initié par les Pouvoirs publics, garanti par l’État jusqu’à 90 % et distribué par les banques commerciales [1], le PGE est un produit mixte (les risques sont essentiellement pris par l’État) qui rappelle que banques et Pouvoirs publics sont parfois liés dans la mise en œuvre d’instruments de politique économique… et que les banques ne sont pas des entreprises comme les autres. Depuis les dernières privatisations, elles sont des entreprises marchandes, tenues de réaliser des profits, voire de satisfaire des actionnaires. Elles sont très liées par la réglementation, du fait de la spécificité de leurs activités et de leur matière, l’argent (et la monnaie). Elles jouent un rôle essentiel dans l’économie, ont des prérogatives singulières comme la création monétaire…
Le PGE est un parfait exemple de politique économique à laquelle les banques sont tenues de participer. Arnaud Caudoux et Bertrand Fontaine (Bpifrance) détaillent la genèse et les mécanismes du prêt, qui a évolué au fil de concertations, et le rôle de Bpifrance avec sa garantie. Même si plane la crainte que la hausse de l’endettement et des faillites soient problématiques, le PGE a fait l’unanimité en tant que mesure de soutien, alors que des pans entiers de l’activité ont dû s’arrêter. Il a fait dire aux Pouvoirs publics comme aux banques qu’en 2020, ces dernières étaient « la solution, et pas le problème ». Le PGE peut également être analysé au regard de ce que cet outil de pilotage économique présage pour la suite. Pour Philippe Trainar (Cercle des économistes), face à la prolongation de la crise, la mesure devient contre-productive. Henri Sterdyniak (OFCE) déplore que l’État n’ait pas conditionné ces prêts au service d’une stratégie industrielle et de la transition énergétique. Jeanne Lazarus (CSO – Sciences Po) livre une approche sociologique de ce prêt de trésorerie, à l’aune de cette ambivalence entre produit marchand et aide publique et rappelle aussi que l’heure de vérité sera celle du remboursement. D’après la FBF, fin mars 2021, environ la moitié des entreprises ayant souscrit un PGE en conserve l’intégralité sur leur compte et 55 % optent pour l’année supplémentaire de décalage du remboursement en capital. 74 % d’entre elles entendent le rembourser en 2026. Le PGE interroge la place des acteurs privés et des Pouvoirs publics au service de l’utilité économique. Olivier Klein (BRED) revient sur les fondamentaux du rôle du financement par le crédit des banques commerciales. Vivien Levy-Garboua (Sciences Po) et Gérard Maarek (Edhec) rappellent que la relation banques-État s’inscrit dans un trio mouvant avec le régulateur. Hubert Bonin (Université de Bordeaux) expose les causes et effets des périodes de nationalisation et de privatisation des banques en France depuis plus d’un siècle.
L’argent des Français passe obligatoirement par un compte bancaire et ces derniers ne considèrent pas les banques comme des entreprises comme les autres. Ils comprennent difficilement pourquoi ils payent des frais (alors qu’ils ne remettent pas en cause le fait de payer aux Telcos leur consommation de téléphone et d’Internet). Les banques sont au service des particuliers qui sont leurs clients, sources d’activité commerciale, et elles ont des obligations envers eux, le droit au compte notamment. Alain Bernard prône la poursuite de l’attention envers l’inclusion financière. Frédéric Dabi (IFOP) analyse l’opinion que les Français ont des banques… Ils ont des attentes fortes les assimilant à un quasi-service public, comme le maintien d’une présence importante sur le territoire.