Le groupe Tranchant, quatrième exploitant de casinos en France, va intenter une action en justice contre son assureur, pour être indemnisé de ses pertes d’exploitations. Dix jours après les annonces de Bruno Le Maire, un autre secteur sinistré pourrait faire rebondir le débat autour des contrats d’assurances professionnelles.
Les casinos dans les pas des restaurateurs
Comme nous pouvions le craindre, les conflits entre professionnels et assureurs ne sont pas près de prendre fin, et ce malgré les annonces de Bruno Le Maire le 7 décembre dernier. Pour apaiser les tensions, le ministre de l’Économie et des finances avait annoncé une série de mesures à destination des secteurs de l’HCR (hôtellerie-café-restauration), du tourisme, de la culture et de l’événementiel : gel des tarifs d’assurances multirisques professionnelles, maintien de la couverture même en cas de cotisations impayées, services d’assistance suite aux hospitalisations liées au Covid-19…
Surtout, sur le volet judiciaire, Bruno Le Maire avait énoncé son souhait de faire « triompher la logique du dialogue sur celle du conflit », en sollicitant le Médiateur de l’assurance pour les affaires qui opposent professionnels et assureurs. L’objectif : réduire le nombre de procès en cours, et résoudre les litiges par le dialogue.
Une ambition qui restera pour partie un vœu pieux, puisque nous avons appris qu’en début de semaine, le groupe Tranchant, quatrième exploitant français de casinos, avait déposé une assignation en référé devant le tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine) contre… son assureur. Suivant ainsi à la lettre la démarche entreprise par les restaurateurs depuis le printemps, et que le gouvernement espérait derrière lui.
Les pertes d’exploitation de nouveau devant la justice
Dans le détail, les motivations du groupe de casinos, et de son président, Romain Tranchant, sont les mêmes que celles des professionnels des métiers de bouche : obtenir l’indemnisation de leurs pertes d’exploitation. Entre le début du premier confinement (mi-mars) et la fin du mois d’octobre (avant le début du second), le groupe Tranchant estime que ses pertes se chiffrent à 25 millions d’euros.
Tout comme de nombreux professionnels, Romain Tranchant considère que la police qu’il a souscrite auprès de son assureur (Chubb European Group, une compagnie présente dans plus de cinquante pays) doit bien le couvrir pour les pertes occasionnées par la fermeture administrative de ses 16 établissements en France, dont les plus connus sont sans doute ceux de Cagnes-sur-Mer, de Dunkerque et de Saint-Gervais.
Dans les faits, le groupe Tranchant était titulaire d’un contrat d’assurance « dommage aux biens et pertes d’exploitation », une formule tous risques qui prévoit que « sont garantis les frais et pertes (…) pour autant qu’ils résultent d’un événement non exclu ». Comme plusieurs restaurateurs avant lui, le Président du groupe maintient que la fermeture administrative pour cause de pandémie ne peut faire partie des événements à exclure.
Pour les établissements de jeux, « rien ne va plus »
De son côté, l’assureur aurait motivé son refus en faisant valoir que le dommage subi était « immatériel », ce qui exclut une indemnisation pour l’habituel « dommage matériel ». La validité de cet argument et l’interprétation de la clause devront donc être tranchées devant les tribunaux. Faute de solutions face à leurs pertes considérables, d’autres établissements de jeux pourraient suivre ce chemin judiciaire.
Très présents dans les villes touristiques, les casinos ont en effet subi de plein fouet les conséquences des restrictions de déplacements liés à la pandémie de Covid-19. Le numéro un français, le groupe Barrière (Cannes, Deauville, Enghien-les-Bains) affirme avoir enregistré une perte de plus de 500 millions d’euros sur l’exercice 2019-2020.
Ces entreprises n’ont pour l’instant pas d’autres choix que d’amener leurs contentieux sur le terrain de la justice, car, si les annonces de Bruno Le Maire étaient bien destinées au secteur du tourisme, elles ne concernent que les TPE et PME.
Or, détenues en majorité par de grands groupes, les succursales de jeux ne devraient par conséquent pas pouvoir profiter du gel des primes par exemple. En tout, on compte près de 200 casinos en France. Le secteur est donc loin d’être négligeable, puisqu’il générerait 15 000 emplois directs et 45 000 indirects dans l’Hexagone.